Objectifs : 1/ Comprendre le sens du sacrifice de Cyrano 2/ Pressentir les conséquences d’un pacte hasardeux
Christian cherche à braver Cyrano pour s’imposer dans la compagnie des Cadets ; celui-ci, fidèle à sa promesse, ne réplique pas. Christian lui parle alors de Roxane, qu’il désespère de conquérir : elle est précieuse, tandis que lui ne sait parler d’amour.

Film de Jean-Paul Rappeneau
De 39:22 à 52:40
CYRANO, CHRISTIAN
Cyrano.
Embrasse-moi !
Christian.
Monsieur…
Cyrano.
Brave.
Christian.
Ah çà ! mais !…
Cyrano.
Très brave. Je préfère.
Christian.
Me direz-vous ?…
Cyrano.
Embrasse-moi. Je suis son frère.
Christian.
De qui ?
Cyrano.
Mais d’elle !
Christian.
Hein ?…
Cyrano.
Mais de Roxane !
Christian, courant à lui.
Ciel !
Vous, son frère ?
Cyrano.
Ou tout comme : un cousin fraternel.
Christian.
Elle vous a ?…
Cyrano.
Tout dit !
Christian.
M’aime-t-elle ?
Cyrano.
Peut-être !
Christian, lui prenant les mains.
Comme je suis heureux, Monsieur, de vous connaître !
Cyrano.
Voilà ce qui s’appelle un sentiment soudain.
Christian.
Pardonnez-moi…
Cyrano, le regardant, et lui mettant la main sur l’épaule.
C’est vrai qu’il est beau, le gredin !
Christian.
Si vous saviez, Monsieur, comme je vous admire !
Cyrano.
Mais tous ces nez que vous m’avez…
Christian.
Je les retire !
Cyrano.
Roxane attend ce soir une lettre…
Christian.
Hélas !
Cyrano.
Quoi !
Christian.
C’est me perdre que de cesser de rester coi !
Cyrano.
Comment ?
Christian.
Las ! je suis sot à m’en tuer de honte.
Cyrano.
Mais non, tu ne l’es pas puisque tu t’en rends compte.
D’ailleurs, tu ne m’as pas attaqué comme un sot.
Christian.
Bah ! on trouve des mots quand on monte à l’assaut !
Oui, j’ai certain esprit facile et militaire,
Mais je ne sais, devant les femmes, que me taire.
Oh ! leurs yeux, quand je passe, ont pour moi des bontés…
Cyrano.
Leurs cœurs n’en ont-ils plus quand vous vous arrêtez ?
Christian.
Non ! car je suis de ceux, — je le sais… et je tremble ! —
Qui ne savent parler d’amour.
Cyrano.
Tiens !… Il me semble
Que si l’on eût pris soin de me mieux modeler,
J’aurais été de ceux qui savent en parler.
Christian.
Oh ! pouvoir exprimer les choses avec grâce !
Cyrano.
Être un joli petit mousquetaire qui passe !
Christian.
Roxane est précieuse et sûrement je vais
Désillusionner Roxane !
Cyrano, regardant Christian.
Si j’avais
Pour exprimer mon âme un pareil interprète !
Christian, avec désespoir.
Il me faudrait de l’éloquence !
Cyrano, brusquement.
Je t’en prête !
Toi du charme physique et vainqueur, prête-m’en :
Et faisons à nous deux un héros de roman !
Christian.
Quoi ?
Cyrano.
Te sens-tu de force à répéter les choses
Que chaque jour je t’apprendrai ?…
Christian.
Tu me proposes ?…
Cyrano.
Roxane n’aura pas de désillusion !
Dis, veux-tu qu’à nous deux nous la séduisions ?
Veux-tu sentir passer, de mon pourpoint de buffle
Dans ton pourpoint brodé, l’âme que je t’insuffle !…
Christian.
Mais, Cyrano !…
Cyrano.
Christian, veux-tu ?
Christian.
Tu me fais peur !
Cyrano.
Puisque tu crains, tout seul, de refroidir son cœur,
Veux-tu que nous fassions — et bientôt tu l’embrases ! —
Collaborer un peu tes lèvres et mes phrases ?…
Christian.
Tes yeux brillent !…
Cyrano.
Veux-tu ?…
Christian.
Quoi ! cela te ferait
Tant de plaisir ?…
Cyrano, avec enivrement.
Cela…
(Se reprenant, et en artiste.)
Cela m’amuserait !
C’est une expérience à tenter un poète.
Veux-tu me compléter et que je te complète ?
Tu marcheras, j’irai dans l’ombre à ton côté :
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté.
Christian.
Mais la lettre qu’il faut, au plus tôt, lui remettre !
Je ne pourrai jamais…
Cyrano, sortant de son pourpoint la lettre qu’il a écrite.
Tiens, la voilà, ta lettre !
Christian.
Comment ?
Cyrano.
Hormis l’adresse, il n’y manque plus rien.
Christian.
Je…
Cyrano.
Tu peux l’envoyer. Sois tranquille. Elle est bien.