Objectif : j’étudie une célèbre scène de dispute
Lors de la séance inaugurale, nous avons appris que Rodrigue et Chimène étaient amoureux. Aucun obstacle ne semblait s’opposer à leur mariage : le père de Chimène lui-même voyait en Rodrigue un jeune homme digne d’épouser sa fille. Bref, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes …
Mais très vite, rien ne va plus : on apprend que le père de Chimène (Don Gomès) et le père de Rodrigue (Don Diègue) désirent tous deux le poste de gouverneur du fils du roi Don Fernand. Il s’agit d’un poste prestigieux qui consiste à éduquer le fils du roi. Et c’est le plus vieux des deux, Don Diègue, qui est finalement nommé à ce poste. Jaloux, Don Gomès, le père de Chimène, lui demande des explications ….

Le comte (don gomès)
Père de Chimène, Don Gomès est encore jeune. Il protège le royaume de Castille en combattant les Maures. Très ambitieux, il rêve de se mettre au service du roi en devenant le gouverneur de son fils.

Don diègue
Père de Rodrigue, Don Diègue est déjà vieux, mais il a eu une vie couronnée de gloire : il a été un guerrier au service du roi Don Fernand.
Le Comte
Enfin vous l’emportez, et la faveur du roi
Vous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi :
Il vous fait gouverneur du prince de Castille.
Don Diègue
Cette marque d’honneur qu’il met dans ma famille
Montre à tous qu’il est juste, et fait connaître assez
Qu’il sait récompenser les services passés.
Le Comte
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ;
Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans
Qu’ils savent mal payer les services présents.
Vous remarquerez dans ces répliques une opposition entre les services passés de Don Diègue (il a servi le roi dans le passé) et les services présents de Don Gomès (il sert actuellement le roi) : il s’agit de la rivalité traditionnelle de la vieillesse (Don Diègue) et de la jeunesse (Don Gomès)
1 – “Et la faveur du roi / Vous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi / Il vous fait gouverneur du prince de Castille ’ : que veut dire Don Gomès ?
2 – “Cette marque d’honneur qu’il met dans ma famille / Montre à tous qu’il est juste / Qu’il sait récompenser les services passés” : quelle est l’opinion de Don Diègue sur la décision de Don Fernand de le nommer gouverneur de son fils ?
3 – “Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes / Ils peuvent se tromper comme les autres hommes” : qu’est-ce que Don Gomès pense de la décision de Don Fernand ?
Après ce premier échange un peu tendu, Don Diègue préfère changer de sujet et se met à parler du projet de mariage de son fils Rodrigue avec Chimène, la fille de Don Gomès.
Don Diègue
Ne parlons plus d’un choix dont votre esprit s’irrite :
La faveur l’a pu faire autant que le mérite ;
Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,
De n’examiner rien quand un roi l’a voulu.
À l’honneur qu’il m’a fait ajoutez-en un autre ;
Joignons d’un sacré nœud ma maison à la vôtre :
Vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils ;
Leur hymen1 nous peut rendre à jamais plus qu’amis :
Faites-nous cette grâce, et l’acceptez pour gendre.
1. Un hymen est un mariage
4 – “Joignons d’un sacré noeud ma maison à la vôtre” : Don Diègue parle d’associer deux maisons (c’est-à-dire deux grandes familles) en mariant Rodrigue à Chimène. D’après vous, le mariage des deux enfants de Don Diègue et Don Gomès sera t-il un mariage de raison ou un mariage d’amour ? Le mariage d’amour était-il courant à l’époque ?
5 – A l’oral – Pensez-vous que Don Gomès, qui est jaloux du nouveau poste de Don Diègue, soit toujours d’accord pour le mariage ?
Don Gomès ne souhaite pas parler du projet de mariage, et laisse même entendre qu’il n’en est plus question. Il se lance dans une tirade dans laquelle il explique à Don Diègue pourquoi il ferait un meilleur gouverneur du prince que lui : pour cela, il commence par rappeler que Don Diègue est vieux et qu’il ne combat plus, tandis que lui est encore jeune et s’illustre encore dans des combats contre les Maures : il pourrait donc servir d’exemple vivant au jeune prince, tandis que Don Diègue ne pourra que lui raconter ses souvenirs de guerre !
Le Comte
Les exemples vivants sont d’un autre pouvoir ;
Un prince dans un livre apprend mal son devoir.
Et qu’a fait après tout ce grand nombre d’années
Que ne puisse égaler une de mes journées ?
Si vous fûtes vaillant, je le suis aujourd’hui,
Et ce bras du royaume est le plus ferme appui.
Grenade et l’Aragon tremblent quand ce fer brille ;
Mon nom sert de rempart à toute la Castille :
Sans moi, vous passeriez bientôt sous d’autres lois,
Et vous auriez bientôt vos ennemis pour rois.
Chaque jour, chaque instant, pour rehausser ma gloire,
Met lauriers sur lauriers, victoire sur victoire.
Le prince à mes côtés ferait dans les combats
L’essai de son courage à l’ombre de mon bras ;
Il apprendrait à vaincre en me regardant faire ;
6 – Pensez-vous que le jeune prince puisse correctement se préparer aux combats avec les Maures en lisant des livres sur l’art de la guerre avec Don Diègue ? Ou bien pensez-vous qu’il apprendrait mieux l’art de la guerre en combattant avec Don Gomès ?
Par la suite, Don Diègue essaye de calmer le jeu en reconnaissant les mérites du jeune Don Gomès. Il va jusqu’à lui dire : ”Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus”. Mais cela ne calme pas Don Gomès, qui continue à jalouser Don Diègue pour l’obtention du poste de gouverneur du prince. La dispute s’intensifie.
Le Comte
Ce que je méritais, vous l’avez emporté.
Don Diègue
Qui l’a gagné sur vous l’avait mieux mérité.
Le Comte
Qui peut mieux l’exercer en est bien le plus digne.
Don Diègue
En être refusé n’en est pas un bon signe.
Le Comte
Vous l’avez eu par brigue, étant vieux courtisan.
Don Diègue
L’éclat de mes hauts faits fut mon seul partisan.
Le Comte
Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre âge.
Don Diègue
Le roi, quand il en fait, le mesure au courage.
Le Comte
Et par là cet honneur n’était dû qu’à mon bras.
Don Diègue
Qui n’a pu l’obtenir ne le méritait pas.
Le Comte
Ne le méritait pas ! Moi ?
Don Diègue
Vous.
Le Comte
Ton impudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense.(Il lui donne un soufflet.)
Don Diègue (il met l’épée à la main)
Achève, et prends ma vie après un tel affront,
Le premier dont ma race ait vu rougir le front.
La dispute se termine très mal : Don Diègue finit par dire que Don Gomès n’a pas obtenu le poste de gouverneur du roi parce qu’il ne le méritait pas. Cette affirmation déplaît beaucoup à Don Gomès, qui donne un soufflet (c’est-à-dire une gifle) à Don Diègue. Don Diègue voudrait bien se venger en utilisant son épée, mai il s’aperçoit assez vite qu’il est devenu trop vieux pour se battre …