Objectif : Je découvre l’histoire de la clinique du Diable
L’histoire de la clinique du Diable est à la fois fascinante et inquiétante. Ancien hôtel de luxe où se pressaient les hommes et les femmes les plus puissants d’Europe devenu champ de ruines, ce lieu au nom évocateur a tout pour glacer le sang. Sa construction remonte à la fin du XIXe siècle, à quelques pas de la frontière séparant la France de l’Empire germanique.
Ballotté entre les deux puissances belliqueuses lors de la Première Guerre mondiale, le somptueux édifice, martelé par des pluies d’obus incessantes, tombe en ruine. Il renaît de ses cendres en 1926, non plus pour accueillir de riches clients, mais pour offrir un lieu de soins aux tuberculeux. L’absence de pollution, le soleil et l’air pur constituent au début du XXe siècle les principaux remèdes contre la tuberculose.
Il survit à la Seconde Guerre mondiale et continue d’accueillir des malades pendant des décennies. Au début des années 2010, il est transformé en centre médical, avant d’être abandonné. Depuis, le bâtiment succombe lentement sous les incessants pillages et destructions de ses visiteurs clandestins.
En route vers la clinique du diable
Une vaste forêt de sapins recouverte d’un épais manteau blanc s’étend à perte de vue sur le flanc de la montagne. Les branches des arbres ploient sous le poids de la neige, comme fatiguées de ce long hiver qui n’en finit plus. La silhouette d’un colosse de pierre solitaire se dessine au-dessus de la cime des conifères. Oublié depuis longtemps, il dort paisiblement dans ce paysage figé par le froid. La lumière blafarde de la lune se faufile entre les arbres et illumine le sol, révélant des traces de pas creusées dans la poudreuse. Chacune de mes expirations laisse s’échapper une volute de vapeur blanche, et la terrible morsure du froid me fait deviner que la température frôle les moins quinze degrés.
François me suit, transportant dans l’un des sacs le matériel nécessaire à l’exploration. Le gigantesque hôpital, s’élevant au sommet de la montagne, nous fait face. Nous nous arrêtons un instant pour le contempler, balayant la façade de nos éclairages. Plongé dans le noir, ce complexe n’est plus que l’ombre de lui-même. Les vitres sont pour la plupart brisées et à travers les ouvertures béantes, les lambeaux de tapisseries, les câbles suspendus et les planches arrachées se mêlent dans le plus grand des chaos. Le temps, les pilleurs et les vandales ont précipité la décrépitude de l’ancien centre médical.
François pose son sac dans la neige et en sort notre matériel vidéo. Comme convenu, je partirai seul explorer ce dédale de ruines.
Quelques pistes de LECTURE …
1 – Où se trouve la clinique du Diable ? Dans quel état se trouve t-elle ?


L’exploration de la clinique du diable
Ma lampe torche ne suffit pas à éclairer le haut de l’escalier qui a perdu sa rambarde. Dans la pénombre, un brancard squelettique erre vainement, tel un fantôme du passé. Les chambres défilent sous la lumière froide de mon éclairage, vides et saccagées. Par instants, des morceaux de tapisseries livrés aux caprices du vent ondulent et claquent contre les murs rose pâle, ajoutant au paysage déjà lugubre quelques bruits sinistres. J’arpente prudemment la coursive, veillant à ne pas trébucher sur les décombres jonchant le sol et à ne pas glisser sur la fine couche de glace qui s’est formée à l’intérieur de l’hôpital. J’entre dans une pièce dont l’usage passé est évident. La bibliothèque. La plupart des étagères ont été renversées et les ouvrages gisent sur le sol gelé dans le plus grand désordre. Dans cette mer de papier, je distingue de vieux écrits, en français et en allemand.
Je poursuis mon exploration dans ce qui devait être le réfectoire. La salle a conservé quelques reliques de sa splendeur passée : moulures en bois sculpté, carrelage d’époque. Une ouverture menant sur un balcon m’invite à contempler le panorama exceptionnel qui s’offrait aux anciens patients de la maison. Dans la clarté de la nuit, les sommets des montagnes se dressent à l’horizon, éclairés par les astres, encerclant une lointaine vallée. J’ôte mes gants et constate sur mon téléphone que cela fait plus d’une heure que j’explore seul la clinique abandonnée. Je quitte l’aile principale de l’hôpital et m’aventure à l’extérieur pour rejoindre les annexes du complexe.
Je progresse avec d’infinies précautions. Par endroits, la couche de neige est si épaisse que je m’enfonce jusqu’aux hanches. Cette enveloppe blanche masque des crevasses dans le sol et m’oblige à me montrer extrêmement vigilant. Malgré le froid mordant, je transpire d’inquiétude : et si je disparaissais dans l’une d’entre elles ? Tant bien que mal, j’accède à un escalier extérieur menant au bâtiment le plus reculé du complexe. Tout en gravissant les marches, je livre à mes caméras mes impressions sur cette expérience exceptionnelle. Je déambule depuis plusieurs heures dans ce lieu lugubre, jadis si luxueux, devenu mouroir. Parfois émerveillé par l’architecture fastueuse de l’édifice, témoignage indélébile de son glorieux passé, je suis ramené à la réalité par le champ de ruines qui m’entoure. Mon exploration nocturne en solitaire au cœur de cet hôpital perdu dans la forêt et coupé de toute civilisation fait de ce tournage un moment inoubliable. Tout à coup, des bruits de pas dans la neige m’interrompent net. Je me retourne brusquement, tendant l’oreille. « Il y a quelqu’un ?! » Penché par-dessus la rambarde, je répète plusieurs fois ma question, sans obtenir de réponse.
La terreur qui m’avait saisi quelques semaines plus tôt dans la cabane du Fou m’envahit de nouveau. Paniqué, je tente fébrilement de joindre François par téléphone, mais il n’y a aucun réseau. Je fais demi-tour et dévale les marches en toute hâte, progressant péniblement dans la neige amoncelée au pied de l’aile principale de l’hôpital. « François ! François ! » Dans ma détresse, je hurle à pleins poumons pour appeler mon ami. En vain. Contournant l’angle du bâtiment, je distingue au loin les lueurs orangées du feu allumé par mon acolyte qui jettent des ombres changeantes sur la façade. Je hèle à nouveau François et il me rejoint enfin. Ébranlé par mon état de panique, il décide de m’accompagner sur les lieux. Nous visionnons au préalable l’enregistrement des caméras et vérifions les alentours. Il n’y a personne. C’était certainement un animal.
Quelques pistes de LECTURE …
2 – Dans le premier paragraphe, relevez les expressions qui montrent que la Clinique du Diable est un lieu lugubre
3 – Dans le deuxième paragraphe, qu’est-ce qui montre que le réfectoire était autrefois un lieu splendide ?
4 – Lisez les troisième et quatrième paragraphes. Pourquoi l’explorateur est-il si effrayé ?
Un MYSTERIEUX manoir
Je retourne à la passerelle en bois qui relie le cœur de l’hôpital à un modeste manoir perdu dans la forêt. Le passage, recouvert d’une charpente triangulaire, mène à un escalier en béton en haut duquel une porte est entrouverte. Une curieuse inscription a été gravée dessus : « Entrez ici et abandonnez tout espoir. » Un frisson d’effroi me parcourt l’échine à la lecture du message. Soudain, un cri strident déchire le silence, me faisant sursauter et m’arrachant un hurlement. Au pied des escaliers, je reprends mon souffle et mes esprits. Je me raisonne. Ce n’est très probablement qu’un animal. Je jure dans ma barbe, vexé d’avoir paniqué si facilement, et m’enfonce dans les bois.
Le sentier enneigé est bordé de sapins imposants dont les branches courbées entravent mon ascension. Je lève les yeux et aperçois enfin le manoir. Sinistre, il semble tout droit sorti d’un film d’horreur. Sa façade austère ne comporte aucune fenêtre de ce côté. Seule une porte, grande ouverte, m’invite à entrer. La peinture des boiseries est écaillée, le sol, poussiéreux, et l’escalier menant à l’étage, couvert de neige. Le rez-de-chaussée compte de nombreuses pièces : autant d’endroits d’où le danger peut surgir à n’importe quel moment. Vandale, pilleur ou encore bête sauvage, je ne suis à l’abri de rien. Les sens exacerbés, tel un chasseur aux aguets, je poursuis ma progression. Au centre du salon, une carcasse de chaise trône sur un vieux pèse-personne. Cette mise en scène sordide m’évoque les chaises électriques utilisées pour exécuter les condamnés. Je quitte ce tableau inquiétant et accède au premier étage.
Dans le couloir exigu, je passe devant la salle de bains sans relever l’inscription sinistre sur le mur carrelé : « REDRUM ». Il s’agit de l’anagramme de murder : meurtre en anglais. Heureusement, je ne l’apprendrai qu’à mon retour. Dans la chambre adjacente, une vieille fenêtre en bois est grande ouverte. La tapisserie sur les murs est gondolée. Une inscription a été griffée dans l’étoffe : « Ton tour viendra. » En m’approchant, je constate que l’encre rouge sombre dégouline le long du mur. L’angoisse, le froid et la poussière me donnent la sensation désagréable d’étouffer. L’ambiance est pesante, l’air lourd. Je chancelle lentement jusqu’à l’escalier menant au grenier. Soudain, un bruit de verre brisé retentit dans la maison. Cette fois-ci, l’éclat est clair et reconnaissable. J’en suis certain : je ne suis plus seul. « Il y a quelqu’un ?! » Ma voix, que je veux forte, tremblote dans ces lieux déserts. Le cœur battant et à deux doigts de la panique, je dévale l’escalier avec une seule idée en tête : quitter ce maudit manoir.