Objectif : je découvre un récit de Jean de Léry qui met en scène des cannibales
Qu’est-ce que le cannibalisme ?
Le cannibalisme est le fait de manger un autre individu de son espèce. Il existe un cannibalisme animal et un cannibalisme humain. Il ne faut pas confondre le cannibalisme avec l’anthropophagie, qui est le fait de manger des êtres humains.
Un être humain qui en mange un autre est donc à la fois anthropophage (il mange des êtres humains) et cannibale (il mange des individus de son espèce).

Au Brésil, les Amérindiens Tupinambas tuaient et mangeaient leurs prisonniers à l’issue de combats avec les peuples voisins. Le prisonnier — ou la prisonnière — était conservé un certain temps dans le village avant d’être tué. Selon Jean de Léry, les victimes ne cherchaient pas à s’enfuir, devenant même joyeux au moment d’être mangés.
Extrait du voyage au brésil de jean de léry
Alors, aussitôt que le prisonnier a été assommé, les vieilles femmes se présentent avec de l’eau chaude qu’elles ont toute prête, puis frottent et ébouillantent le corps mort de telle façon qu’en ayant enlevé la première peau, elles le rendent aussi blanc que les cuisiniers de chez nous rendent un cochon de lait prêt à rôtir.
Après cela, des hommes, prenant ce pauvre corps, le fendront et le mettront rapidement en pièces.

Alors, tous les morceaux du corps, et même les tripes après être bien nettoyées, sont immédiatement mis sur les boucans, auprès desquels, pendant que le tout cuit ainsi à leur mode, les vieilles femmes (qui comme j’ai dit ont un étonnant appétit de chair humaine) étant toutes assemblées pour recueillir la graisse qui dégoutte le long des bâtons de ces grandes et hautes grilles de bois, lèchent leurs doigts et disent « Yguatou », c’est-à-dire, il est bon.
Quand la chair d’un prisonnier, ou de plusieurs (car ils en tuent quelquefois deux ou trois en un jour) est ainsi cuite, tous ceux qui ont assisté au spectacle du massacre se réjouissent de nouveau autour des boucans, sur lesquels avec coups d’œil et regards de fous ils contemplent les morceaux et les membres de leurs ennemis.
Quelques pistes de lecture …
Après votre lecture du texte, pouvez-vous deviner ce que sont les “boucans” ?
Quel que soit leur nombre, chacun, s’il est possible, avant de sortir de là en aura son morceau. Non pas cependant, comme on pourrait le penser, qu’ils fassent cela pour se nourrir ; car bien que tous avouent que cette chair humaine est merveilleusement bonne et délicate, cependant, c’est plus par vengeance, que pour le goût qu’ils le font (hormis ce que j’ai dit à propos des vieilles femmes en particulier qui en sont si friandes). Leur principale intention est qu’en poursuivant et en rongeant ainsi les morts jusqu’aux os, ils suscitent par ce moyen la crainte et l’épouvante des vivants.
Et de fait pour assouvir leurs courages cruels, tout ce qui peut se trouver sur les corps de tels prisonniers, depuis les extrémités des orteils jusqu’au nez, aux oreilles et au sommet de la tête, est entièrement mangé par eux ; j’excepte toutefois la cervelle à laquelle ils ne touchent point. Et de plus, comme nos Toüoupinambaoults conservent les crânes par monceaux dans leurs villages, comme on voit chez nous des têtes de morts dans les cimetières, la première chose qu’ils font quand les Français viennent les voir et leur rendre visite, c’est qu’en racontant leurs exploits et en leur montrant les trophées de ces crânes ainsi décharnés, ils disent qu’ils traiteront de même tous leurs ennemis.
Quelques pistes de lecture …
D’après ce que vous avez lu dans ces deux paragraphes, pouvez-vous expliquer pour quelle raison les Indiens Tupinambas mangent leurs ennemis ?
A l’époque où écrit Jean de Léry, des guerres de religion entre catholiques et protestants font rage en France. Le 24 août 1572, le jour de la Saint Barthélémy, des catholiques massacrent des protestants de manière particulièrement effroyable : la Seine est rouge de sang et des corps démembrés jonchent les rues … Des massacres ont également lieu dans d’autres villes françaises.

Extrait du Voyage au Brésil de Jean de Léry (Suite)
Il me semble que ce que j’en ai dit est assez pour faire sentir l’horreur et dresser à chacun les cheveux sur la tête. Mais que ceux qui liront ces choses si horribles commises chaque jour parmi ces nations barbares du Brésil, pensent aussi un peu de près à ce qui se fait de notre côté parmi nous.
Et sans aller plus loin, en la France quoi ? (Je suis français et cela me blesse de le dire) durant la sanglante tragédie qui commença à Paris le 24 août 1572, la graisse des corps humains (qui d’une façon plus barbare et cruelle que celle des sauvages furent massacrés dans Lyon, après avoir été retirés de la rivière de la Saône) ne fut-elle pas publiquement vendue aux enchères au plus offrant ?
Les foies, les cœurs et les autres parties des corps de quelques-uns ne furent-ils pas mangés par les meurtriers fous furieux, dont les enfers ont horreur ? Un protestant, à Auxerre, fut misérablement massacré, et ceux qui commirent ce meurtre découpèrent son cœur en pièces, pour l’exposer et le vendre à ceux qui le haïssaient et, l’ayant fait griller sur des charbons, assouvissant leur rage comme des chiens, en mangèrent.
Par conséquent qu’on ne déteste plus tant désormais la cruauté des sauvages anthropophages, c’est-à-dire, mangeurs d’hommes, car puisqu’il y en a de semblables, voire de plus détestables et pires au milieu de nous.